Accueil>Pour Althusser

Simone MAZAURIC. Althusser et la tradition française d'épistémologie historique

Colloque annuel de
clôture du séminaire de philosophie politique «Penser la transformation».


Lundi 27 mai 2013.

Université de Montpellier 3, site Saint Charles

Retrouvez la vidéo de cette conférence

En choisissant de traiter des rapports entretenus par Althusser avec la tradition française d’épistémologie historique, j’ai conscience d’aborder une question qui n’a jamais été traitée jusqu’à présent autrement que de façon occasionnelle, jamais par conséquent en tant que telle. Il est vrai que le sujet est vaste. Même en réduisant, comme il est assez habituel, la tradition française d’épistémologie historique à ces figures majeures que sont celles de Bachelard, de Canguilhem et de Foucault (car l’on pourrait, comme le fait lui-même Althusser, citer d’autres noms : entre autres, ceux de Cavaillès, de Koyré, de Vuillemin), cette tâche reste considérable.

Je n’aborderai par conséquent que la seule question des rapports entretenus par Althusser avec l’œuvre de Bachelard et avec celle de Canguilhem, en omettant volontairement de parler de Foucault, sinon très occasionnellement. Je vais surtout tâcher d’attirer l’attention sur un fait qui me paraît incontestable, à savoir sur l’importance qu’Althusser a accordé dans son œuvre aux questions d’ordre épistémologique et essayer de montrer comment il s’est aidé (ou servi) des travaux de Bachelard et de Canguilhem, pour proposer et justifier une lecture originale, inédite de l’œuvre de Marx : on sait en effet qu’à plusieurs reprises, Althusser a volontiers reconnu la dette qu’il avait contractée à leur égard. Et c’est cette dette que je voudrai d’abord identifier et circonscrire.

Toutefois, entre Althusser, et l’épistémologie historique, les relations et les influences ont été réciproques. On sait il est vrai peut-être moins bien que Canguilhem s’est de son côté et à son tour appuyé sur l’œuvre d’Althusser pour résoudre une question centrale dans son œuvre propre : c’est en effet, comme il l’a lui-même « avoué », sous l’influence d’Althusser (et de Foucault) qu’il aurait introduit dans son enseignement et dans son œuvre, à partir des années 1967 - 68, la notion d’idéologie scientifique, dont nous verrons à quel besoin spécifique elle répondait. C’est donc également cette dette de Canguilhem à l’égard d’Althusser que je voudrais identifier et, en ce cas encore, exactement circonscrire.

Car ces emprunts réciproques entre deux courants philosophiques qui, dans la conjoncture des années 1960, avaient au moins en commun, malgré ce qui les séparait, de se distinguer, comme l’a rappelé Foucault, « de la philosophie de l’expérience, du sens, du sujet » qui était alors celle de Sartre et de Merleau-Ponty, ne sont pas allés sans une forme d’appropriation personnelle, pour le dire de façon euphémisée, des éléments empruntés. Il faudra donc s’efforcer de distinguer les dettes avouées et les dettes réellement contractées avant de dresser un bilan si possible exact de ces emprunts réciproques. Enfin, si j’en ai la possibilité, je tâcherai d’en évaluer la fécondité dans les œuvres respectives d’Althusser et de Canguilhem.